Quelles ont été vos premières actions sur l’île ?
J'ai d'abord été nommé curé d'une paroisse dans une commune au sud du pays ; j'y ai travaillé treize ans dans les rizières avec la population. Puis, après ma mutation à Antananarivo, la capitale, j'ai constaté que des milliers de personnes vivaient dans la pire des misères sur une décharge publique transformée en bidonville. Des enfants étaient abandonnés sur les trottoirs et sur les marchés.
J'ai décidé d'agir avec eux pour améliorer leur sort. Le modèle est simple: les personnes bâtissent leur propre logement et participent, moyennant un salaire, aux activités de la communauté: construction et entretien des villages, enseignement, santé...
Depuis 1989, le mouvement Akamasoa ("Bons amis" en malgache) a ainsi permis de venir en aide à 500 000 personnes, de procurer du travail et un toit à des dizaines de milliers d'exclus en construisant 3 000 maisons réparties en 22 villages, une trentaine d'écoles, trois dispensaires... des cimetières.
Votre vocation de bâtisseur vient-elle de votre père qui était maçon et de votre nom Opeka, qui signifie "brique" en slovène ?
Opeka, en slovène, c'est la brique mais aussi la tuile qui couvre les maisons! Mais c'est grâce à mon père, maçon de profession en Argentine (où sa famille a immigré pour fuir le régime de Tito, la Slovénie faisait alors partie de la République socialiste de Yougoslavie, NDLR), que j'ai appris à me servir de mes bras.
En tant que premier fils, j'ai commencé à travailler avec lui à l'âge de 9 ans. Je l'ai aidé à construire des maisons pour des nécessiteux dans la Cordillère des Andes. C'est là-bas que j'ai consolidé ma vocation. Je me suis dit: "Je vais consacrer ma vie aux pauvres et aux gens oubliés, à l'exemple de Jésus."
En plus de la misère que vous combattez, Madagascar est souvent touchée par des catastrophes climatiques, quelles sont les conséquences sur vos villages ?
En 2022, certains de nos villages ont été inondés. Environ 200 logements ont été pulvérisés et leurs habitants ont tout perdu. Mais ils n'ont pas baissé les bras et reconstruisent déjà leur maison. Alors je me fais le témoin de ce peuple courageux et leur prête ma voix pour les défendre. Malheureusement, les cyclones passent tous les ans. Mais il y a un autre cyclone, peut être pire, qui affecte la "grande île": la corruption.