Interview - Père pedro
Publié le samedi, 30 décembre 2017
Né le 29 juin 1948, à San Martín, père Pedro OPEKA est un religieux catholique lazariste, de parents d'origine slovène. Fondateur d'Akamasoa, il est connu pour le combat qu'il mène contre la pauvreté à Madagascar. Il est arrivé à dans la Grande Ile en 1970.
Il s’agit d’une grande personnalité de l’année 2017. Par plusieurs actions, il a démontré sa volonté à mener son combat. Père Pedro, ce grand humaniste et grand ennemi de la pauvreté nous raconte l’année 2017 en quelques lignes et partage une perspective pour 2018.
La Vérité (+) : Qu’est-ce qui a changé à Madagascar depuis votre arrivée en 1970 ?
Père Pedro (=) : Actuellement, c’est l’indifférence qui prône, elle devient même une maladie contagieuse. Je ne suis plus dans le même pays. Je n’ai pas vu cela en 1970 quand j’étais conquis et attiré par la valeur « Soatoavina », la culture malgache « Fihavanana », la richesse du savoir vivre ensemble du peuple Malgache. A mon arrivée, les valeurs de la culture malgache, la solidarité ont prédominé. Et cela m’a même fait décider à demeurer dans ce pays et de se rallier avec ce peuple malgache.
(+) : Sur le plan social, comment vous avez trouvé l’année 2017 ?
(=) : La pauvreté n’a pas cessé de persister, le centre Akamasao constitue un thermomètre pour mesurer le taux de pauvreté. Le nombre de personnes qui viennent pour bénéficier des aides ponctuelles témoigne cette impécuniosité. Cela se traduit par l’absence d’un grand effort soit communautaire, national, personnel. Toutefois, l’on est doté d’une intelligence, d’une volonté et notamment d’un esprit. L’engagement pour le bien commun « Soa iombonana » est inexistant. Par ailleurs, l’année 2017 a été très positive pour Akamasoa, avec plus de logement construit que l’année dernière. 130 habitations au lieu d’une centaine ont été érigées dont 107 possèdent déjà de toits.
(+) : La pauvreté se traduit par différentes formes, existe-t-il un cas qui vous a beaucoup bouleversé ?
(=) : Les raids des Dahalo à Ambohimahasoa et à Betafo. Ces bandits qui tuent et brûlent toute une famille. Or, les voisins, ayant peur d’être tués, ont été impuissants à leur porter secours. Je me demande ainsi comment on est arrivé à cette méchanceté. Aucun nom ne peut la qualifier. Même les animaux ne tuent pas leurs petits. La perte de l’humanité se dévoile d’année en année. C’est dans une telle situation que les autorités et les élus les plus proches doivent être interpellés. Les églises, les associations humanitaires et la société civile et tous les Malgaches possèdent une importante responsabilité. Personnellement, je constate qu’il y a une fatalité. Les gens, ils disent « tsy hita ny atao », « on ne sait quoi faire ». Pourtant, cet acte de banditisme n’a jamais existé avant et pourquoi maintenant des gens sont tués. Face à l’évolution, on peut l’éviter tout en combattant contre cette fatalité.
(+) : Quel comportement doit-on adopter, ou que peut-on changer pour cette année à venir, afin d’arrêter cette calamité frappante à Madagascar ?
(=) : Il faut donner le courage de dénoncer les injustices, les impunités et traduire en justice ceux qui méprisent les biens communs et font les malversations de l’argent public. La lutte contre la corruption constitue également un combat à prioriser. Cette malhonnêteté met fin au investissement et freine le développement. Le travail pour les jeunes en est la véritable conséquence. En outre, pour la semaine dernière, trois touristes m’ont informé qu’ils ont été arnaqués à l’Aéroport International Ivato. Toutefois, cet endroit demeure la vitrine, le portail de la Grande île. C’est une honte pour le pays. De plus, ces gens qui en demandent davantage sont constitués par des salariés. Faites du bien, accomplissez le gratuitement sans attendre un retour. L’on est un citoyen et l’amour envers notre compatriote doit prôner. A Akamasoa, l’on ne quémande jamais, donc pas de corruption et c’est ainsi que l’on avance.
Propos recueillis par KR.